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Le discipolat incarnationnel et l’œuvre de l’Esprit

A person being baptized.

 

par Timothy Woodcock

Ayant grandi dans l’église en Amérique du Nord (au Canada et aux États-Unis), mon expérience et ma compréhension de l’évangélisation ont été façonnées par l’idée prédominante selon laquelle l’évangélisation est quelque chose que les chrétiens font dans le but d’amener quelqu’un à se convertir au christianisme. L’évangélisation (m’a-t-on enseigné) consistait à parler de l’Évangile aux gens lors d’une campagne d’évangélisation ou d’un témoignage individuel. Cela se résumait généralement à « Jésus est mort sur la croix pour pardonner vos péchés, afin que vous puissiez passer l’éternité avec lui ». Ces personnes faisaient ensuite une prière pour inviter Jésus dans leur cœur. Mon intention n’est pas de minimiser ou d’amoindrir les vérités de cette partie de l’Évangile, mais j’ai toujours eu l’impression qu’il manquait quelque chose. Quand j’étais enfant, je me souviens avoir dit à mon enseignant de l’école du dimanche qu’au cours de l’année, j’avais amené cinq amis à faire la « prière de repentance » (une prière que les gens répètent après vous pour confesser leurs péchés et inviter Jésus dans leur cœur). Avec le recul, je réalise que je considérais ces cinq amis comme mon tableau de chasse et que je voulais me vanter. Mon enseignant de l’école du dimanche m’a demandé, d’une manière compréhensible pour un enfant de neuf ans, quel était mon plan pour continuer à faire d’eux des disciples. J’ai pensé : « Je ne sais pas, ce n’est pas mon travail; je suppose que je peux les inviter à l’église maintenant. » Tout ce que je savais, c’est que cinq nouvelles âmes avaient été sauvées de l’éternité en enfer et qu’elles hériteraient de la vie éternelle au paradis. Malheureusement, mon raisonnement d’enfant n’était pas très loin de l’approche de l’église vis-à-vis de l’évangélisation à l’ère moderne.

L’église d’aujourd’hui est obsédée par les données mesurables et le désir d’obtenir des résultats rapides. L’idée du long terme lorsqu’il s’agit de former des disciples et d’investir dans la vie des gens n’est pas aussi séduisante que de dire que j’ai amené « X » personnes au salut cette année. Bien souvent, même nos réunions du dimanche matin se transforment en grands événements visant à attirer les foules : appel, mains levées et comptées, prières prononcées et rapports remplis. Mon analyse de ce modèle est qu’il alimente souvent le type de ministère d’évangélisation le plus attractif, et promeut une mentalité consumériste dans l’église. Dans son livre Evangelism after Pluralism, Bryan Stone écrit :

La question de la pratique de l’évangélisation dans un contexte postcolonial ne peut plus être la question impériale de savoir comment nous pouvons atteindre plus de gens, faire grandir nos églises ou étendre notre influence. La question plus fondamentale est de savoir si l’Église peut réapprendre à rendre un témoignage public selon les termes de l’Esprit plutôt que selon ceux de l’empire, en reprenant une partie de la déviance anti-impériale de l’Église ancienne tout en imaginant des formes toujours nouvelles de loyauté[1].

Ce n’est pas que l’Église primitive (anti-impériale) n’ait pas connu une croissance exponentielle. Elle l’a fait! Mais il semble qu’elle se soit développée grâce à une approche missionnelle et incarnationnelle[2] qui cherchait où le Saint-Esprit pouvait être à l’œuvre dans la vie des gens, plutôt que par l’approche moderne de l’attraction (venez et voyez). Après avoir étudié les trois premiers siècles de l’Église primitive, il semble vraiment que l’accent était mis sur l’engagement à respecter le langage littéral de la Grande Commission donnée par Jésus dans Matthieu 28.18-20, à savoir « aller et faire des disciples », et pas seulement sur les convertis qui assistent aux événements de l’église. Alan Hirsch, missiologue de l’Église, déclare :

L’Église missionnelle est incarnationnelle, et non attractive, dans son ecclésiologie. Par incarnationnelle, nous entendons qu’elle ne crée pas d’espaces sanctifiés dans lesquels les non-croyants doivent venir pour découvrir l’Évangile. L’Église missionnelle se démonte et s’infiltre dans les fissures et les crevasses d’une société afin d’être le Christ pour ceux qui ne le connaissent pas encore[3].

Par conséquent, l’appel à aller faire des disciples est un appel à aller dans nos communautés et, par la parole et l’action, à démontrer ce que sont réellement Jésus et son royaume. Nous invitons ensuite les gens à se joindre à nous et à apprendre ces voies. Cela signifie que nous invitons des personnes dans nos vies pour qu’elles apprennent à suivre Jésus en tant que Seigneur. Il y a donc toujours une invitation à la conversion, mais cette conversion, ou cet abandon à Jésus en tant que Seigneur, implique de rompre avec l’individualisme radical de la société séculière et de rejoindre la communauté du royaume de Jésus. Une fois de plus, Stone écrit :

L’évangélisation à notre époque est une invitation à la conversion, mais pas une conversion à l’intérieur d’une imagination impériale; il s’agit plutôt d’une conversion d’une imagination impériale à une imagination tout à fait différente. Dans le corps de Christ, la revendication universelle et impériale de l’espace est contestée, en tant que citoyens du ciel, l’Église est plutôt appelée à être un espace dans le monde où la communauté de Dieu peut apparaître matériellement, localement et physiquement[4].

Par le passé, les modèles attractifs ont connu un grand succès dans l’Église. Dans d’autres parties du monde, les croisades d’évangélisation attrayantes ont encore beaucoup de succès et donnent des résultats. Cependant, en Amérique du Nord, avec tout le scepticisme qui entoure l’Église institutionnelle et la plupart de nos anciens modèles de « tactiques d’appât », je ne vois pas les croisades d’évangélisation ou un grand ministère événementiel dans une église locale comme le moyen le plus efficace pour l’Église d’évangéliser à l’avenir. Hirsch écrit à propos de ce défi : « Le problème auquel nous sommes confrontés est que, bien que la chrétienté soit morte en tant que force sociopolitique et culturelle et que nous vivions maintenant dans ce qui a été appelé à juste titre l’ère postchrétienne, l’Église continue à fonctionner exactement de la même manière. En ce qui concerne la manière dont nous comprenons et faisons l’Église, peu de choses ont changé depuis dix-sept siècles[5]. » Le déclin de l’Église dans la culture occidentale devrait être un signal d’alarme pour les églises locales, qui devraient examiner leurs méthodes, évaluer l’efficacité et l’authenticité de leur mission et opérer les changements nécessaires pour retrouver l’élan missionnel avec lequel nous sommes nés au premier siècle.

La bonne nouvelle, c’est que je ne pense pas que ce changement nécessite beaucoup de créativité ou d’innovation, comme on en entend beaucoup parler ces jours-ci. C’est peut-être beaucoup plus simple que cela. Après avoir été pasteur pendant 21 ans aux États-Unis sur un grand campus universitaire, j’ai compris que de nombreuses personnes en dehors de l’église ne recherchent pas seulement les grands événements tape-à-l’œil qui les épatent ou les divertissent.

Ils cherchent souvent un lieu d’appartenance et des histoires de vies transformées par quelque chose de transcendant qui dépasse l’effort humain. Même la société séculière reconnaît que les meilleurs efforts de l’humanité ne peuvent pas réparer les fractures et les ruptures évidentes de notre monde. C’est le moment pour l’Église de se lever et de faire ce qu’elle a toujours bien fait : être une communauté contre-culturelle qui accueille les gens en dépit de leurs blessures et de leur détresse. Nous participons au cheminement des personnes qui permettent à Jésus d’être le Seigneur de leur vie et au Saint-Esprit de les transformer intérieurement. Elles peuvent ensuite témoigner et aider d’autres personnes à venir à la foi, s’unissant ainsi à la mission de Jésus et à l’œuvre de l’Esprit dans le monde. Selon moi, c’est ce que signifie faire des disciples. Et lorsque, en tant qu’Église, nous nous engageons à faire des disciples, l’évangélisation est inévitable dans notre parcours.

À l’église Glad Tidings de Burlington, en Ontario, où j’ai le privilège d’être pasteur, nous avons récemment tenu l’une de nos réunions d’église sur la plage, loin de notre lieu de rencontre habituel. Ce culte n’avait rien d’éblouissant; nous sommes simplement allés à la plage, où des milliers de personnes se rendent chaque week-end. Nous avons eu un moment de plaisir et de fraternité, nous avons prié ensemble en plein air, nous avons prié pour les dirigeants de notre communauté et nous avons célébré le baptême de 30 personnes dans le lac Ontario. Beaucoup de ceux qui ont été baptisés ont raconté comment Jésus les avait sauvés d’une vie de désespoir. Ils ont ensuite été baptisés par les personnes qui avaient cheminé avec eux dans le contexte du discipolat et sont sortis de l’eau au son joyeux de centaines de personnes qui applaudissaient avec le ciel tout entier. Il était évident que l’Esprit de Dieu était à l’œuvre parmi nous. De nombreux badauds se sont arrêtés pour regarder et ont été stupéfaits par ce qui se passait. Ceux qui étaient venus soutenir leurs amis et leur famille qui se faisaient baptiser étaient émus, certains au point de pleurer. Il n’y a pas eu de médiatisation, de coup d’éclat, ni de leurre. L’Église a simplement fait ce qu’elle fait : raconter les merveilleuses histoires de notre rédemption et de notre guérison, et les célébrer ensemble en communauté. Ce qui est étonnant, c’est que de nombreuses personnes présentes ont spontanément décidé qu’elles voulaient elles aussi être baptisées, ce qui a amené dix autres personnes à entrer dans l’eau.

Je ne peux m’empêcher de penser que cet exemple incarne l’accomplissement par l’Église du mandat de la Grande Commission dans notre génération. Engageons-nous à devenir des disciples à long terme, en accompagnant les personnes qui apprennent à suivre Jésus comme Seigneur, et en faisant confiance au Saint-Esprit pour nous révéler où et comment il est déjà à l’œuvre. Et puissions-nous aller au-delà des portes fermées et des murs de nos bâtiments d’église et de nos cultes, en nous rendant dans nos foyers, nos quartiers, nos cafés, nos parcs et même nos plages publiques.

Timothy Woodcock est le pasteur principal de l’église Glad Tidings à Burlington, en Ontario.

A person being baptized.

 

1. Bryan Stone, Evangelism after Pluralism: The Ethics of Christian Witness (Grand Rapids : Baker Academic, 2018), 29.

2. Le concept inspiré par Jésus de faire le ministère en étant parmi les gens, dans des modes de vie normatifs.

3. Michael Frost et Alan Hirsch, The Shaping of Things to Come: Innovation and Mission for the 21st-Century Church (Grand Rapids : Baker Books, 2013), 12.

4. Stone, Evangelism after Pluralism, 38–39.

5. Alan Hirsch, The Forgotten Ways: Reactivating the Missional Church (Grand Rapids : Brazos Press, 2006), 61.

Cet article a été publié dans le numéro de janvier/février/mars 2024 de la revue testimony/Enrich, une publication trimestrielle des Assemblées de la Pentecôte du Canada. © 2024 Les Assemblées de la Pentecôte du Canada. Photos offertes par l'église Glad Tidings

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